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Les biais cognitifs dans l’accompagnement social et professionnel (focus sur le biais d’attention)

🧠 On peut définir les biais cognitifs comme des erreurs de pensée qui influencent notre capacité de jugement et les choix qui en découlent. Plus de 200 biais répertoriés nous éloignent de la logique et du bon sens. Pourtant, ces biais ne sont pas nécessairement des défauts : ils peuvent nous détourner de la réflexion logique, certes, mais ils existent pour de nombreuses raisons, peut-être autant que le nombre de biais eux-mêmes. Pour résumer, ils nous permettent de prendre des décisions rapidement dans un environnement complexe sans que l’on ait besoin de réfléchir.

❓ Pourquoi le biais d’attention ?

🚧Parce que ce biais peut constituer un obstacle majeur à la prise de conscience des opportunités qui se présentent : les éléments auxquels nous ne prêtons pas attention demeurent inaccessibles à notre esprit, à moins de déployer des efforts conscients pour y remédier. Simple. Basique. De plus, c’est un biais courant dans les métiers du conseil, puisqu’en général, porter des éléments d’information à l’attention des personnes fait partie du métier de CIP. Prendre conscience des raccourcis que prend la pensée pour éviter de réfléchir est un atout pour comprendre « pourquoi ça marche et pourquoi ça ne marche pas ».

➡️ Cet article n’a pas vocation à apporter des réponses ou des solutions « toutes faites » aux problèmes auxquels les personnes accompagnées et les CIP sont confrontés ; il tente d’explorer la manière dont les biais cognitifs peuvent impacter la recherche d’emploi et la relation d’accompagnement. Je n’ai pas respecté stricto sensu la définition du biais d’attention que j’ai allègrement mixée avec d’autres biais car la relation d’accompagnement est bien plus complexe qu’une situation contrôlée en laboratoire. Merci de lire cet article en gardant à l’esprit les points suivants : 1️⃣ « ne pas nuire » et 2️⃣ « agir plutôt que subir ».

👀 Qu’est-ce que le biais d’attention ?

🧠 Le biais d’attention est un phénomène qui se produit lorsque notre attention est sélectivement attirée vers des stimuli spécifiques, au détriment des autres. Par exemple, si nous avons une expérience négative dans un domaine, notre attention se focalisera malgré nous sur les aspects négatifs d’une situation au détriment des aspects positifs. Nous sommes aussi plus enclins à remarquer et à nous souvenir des informations qui correspondent à nos croyances, nos préférences ou nos émotions, tandis que nous ignorons ou minimisons les informations qui vont à l’encontre de celles-ci. Oui, il y a du biais de confirmation et du biais de disponibilité dans cette grossière définition, mais les biais se déplacent souvent en groupe.

💼 En tant que conseiller d’insertion professionnelle, nous pouvons tenir compte du biais d’attention pour que les personnes se concentrent sur les aspects les plus pertinents de leur recherche d’emploi en vue d’établir un plan d’action. Ce dernier sera d’autant plus efficace que l’on prendra soin de se prémunir des biais de confirmation et de disponibilité. Il est tout aussi important de prendre conscience du biais d’attention du point de vue du conseiller qui pourrait porter son attention sur des éléments qui le concernent lui, plus qu’ils ne concernent la personne accompagnée : stay focus but stay open!

↩️ D’où vient-il ?

🤔 Nous sommes confrontés à beaucoup trop d’informations et notre cerveau a tendance à présélectionner ce qui a déjà été amorcé dans notre mémoire ou ce qui est souvent répété, histoire de nous faire gagner du temps. Mais ce que nous gagnons en temps nous le perdons souvent en justesse et efficacité.

🎯 Comment l’utiliser ?

  • Identifier quelques compétences-clés et encourager les personnes à les mettre en avant dans leur CV, lettre de motivation ou pendant les entretiens d’embauche. En attirant l’attention sur des compétences précises, elles seront plus faciles à valoriser et à utiliser, le biais de disponibilité facilitera le processus.
  • Définir des objectifs précis et réalisables avant de commencer des démarches, permet de se concentrer sur la mise en place des étapes permettant de les atteindre. Nous pouvons encourager les personnes à postuler à un certain nombre d’offres d’emploi par semaine, à participer à des événements de réseautage ou à suivre des ateliers pour améliorer leurs compétences.
  • Organiser un espace de travail efficace pour la recherche d’emploi : tenir un carnet de recherche d’emploi et établir des routines permettent de garder les objectifs en mémoire et de rester focus.
  • Diriger l’attention vers les aspects positifs de la recherche d’emploi en soulignant les progrès et les réussites. Mettre l’accent sur les résultats obtenus lors des démarches précédentes est un élément de motivation et un levier qui permet de viser de nouveaux objectifs à atteindre.

❗ Vous pourriez dire : « Mais c’est déjà ce que l’on fait ! » et vous auriez raison. D’ailleurs, je l’ai écrit plus haut : « porter des éléments d’information à l’attention des personnes fait partie du métier de CIP ». L’important ici est de sélectionner et limiter le nombre d’éléments que l’on va porter à l’attention de la personne. Sélectionner, en amont, lors de l’entretien précédent, les éléments que l’on va aborder au suivant, et à ce moment-là, limiter le nombre de thèmes que l’on abordera plus tard pour ne pas provoquer de surcharge cognitive. Ce qui implique de choisir ces éléments avec soin.

🧠 D’autres biais cognitifs et « effets de »

En attendant d’autres articles sur le thème « comment utiliser les biais cognitifs dans l’accompagnement socio-professionnel », voici quelques biais et effets courants ainsi que des pistes d’utilisation positives. À la fin de cette liste, j’ai isolé quelques biais dont le conseiller emploi devrait se méfier dans le cadre de sa pratique professionnelle.

  • L’effet d’ancrage est la tendance à se focaliser sur une information initiale pour prendre une décision. Utilisez cet effet pour établir un cadre positif dès le début de l’accompagnement. Faites de même lorsque vous présentez un atelier, un dispositif ou une nouvelle possibilité d’orientation de carrière.
  • Le biais de disponibilité survient lorsque nous jugeons la probabilité d’un événement en fonction de la facilité avec laquelle des exemples nous viennent à l’esprit. Vous pouvez donner des exemples de réussites professionnelles (des personnes accompagnées elles-mêmes ou d’autres personnes) ou communiquer des statistiques favorables.
  • Le biais de confirmation est la tendance à chercher et à accorder plus de crédit aux informations qui confirment nos croyances. Encouragez l’exploration de nouvelles perspectives et la remise en question des croyances limitantes.
  • L’effet de cadrage. Le choix des mots et la présentation des informations peuvent influencer la perception d’une situation. Présentez les défis et les opportunités de manière positive pour motiver. Par exemple : 41% des personnes en poste depuis au moins un an ont obtenu leur poste via une candidature spontanée ou 59% des personnes en poste l’ont obtenu par d’autres moyens ? Si vous voulez favoriser l’envoi de candidatures spontanées, vous savez ce qu’il faut faire.
  • L’excès de confiance. Certaines personnes surestiment leurs compétences ou leur capacité à réussir. Proposez-leur d’évaluer de manière réaliste leurs compétences et d’identifier des axes d’amélioration.
  • L’effet de halo est la tendance à attribuer des caractéristiques positives ou négatives à une personne en fonction d’une seule impression. Encouragez les personnes à mettre toutes les chances de leur côté pour faire une bonne première impression lors des entretiens. Vous-même, présentez-vous avec soin dès le début de l’entretien.
  • L’effet de groupe. Les individus peuvent se conformer aux opinions et comportements d’un groupe. Utilisez cet effet en organisant des ateliers collectifs pour partager des expériences et des idées positives. Des expériences négatives partagées en collectif entrainent également des conséquences positives car elles montrent aux participants que leur cas n’est pas isolé.
  • L’illusion de contrôle est la tendance à surestimer notre capacité à influencer les événements. Aidez les personnes à identifier les facteurs qu’elles peuvent réellement contrôler et à lâcher prise sur les autres.
  • L’effet de simple exposition. Plus nous sommes exposés à une information, plus nous avons tendance à l’apprécier. Répétez les messages-clés et les objectifs tout au long de l’accompagnement pour renforcer l’engagement.
  • L’effet de récence est la tendance à nous souvenir davantage des informations récentes. Assurez-vous de résumer régulièrement les progrès réalisés et les actions à entreprendre pour maintenir la motivation et la concentration.
  • L’heuristique de représentativité. Nous jugeons souvent la probabilité d’un événement en fonction de sa ressemblance avec un autre événement. Aidez les personnes à identifier les similitudes entre leurs expériences passées et les opportunités actuelles pour renforcer leur confiance dans leurs compétences et leurs chances de réussites.
  • L’optimisme irréaliste est la tendance à surestimer la probabilité d’événements positifs et à sous-estimer la survenue d’événements négatifs. Encouragez une vision réaliste et équilibrée des opportunités et des défis à venir.
  • Le biais d’autocomplaisance est la tendance à attribuer nos réussites à nos compétences, et nos échecs à des facteurs externes. Aidez les personnes à prendre conscience de l’importance de l’effort et de la persévérance pour atteindre leurs objectifs.
  • L’effet de faux consensus est la tendance à penser que nos opinions et nos préférences sont partagées par la majorité. Encouragez le respect des différences de points de vue et de valeurs.
  • L’effet de contraste est la tendance à évaluer une situation en la comparant à une autre. Utilisez cet effet pour mettre en valeur les progrès réalisés et les compétences acquises par les personnes en montrant en même temps l’avant et l’après d’une situation. Très utile également pour comparer les avantages et les inconvénients entre deux postes, deux métiers, deux secteurs d’activité, etc. (Les résultats sont différents si chaque élément est présenté et évalué seul). Peut s’utiliser à contrario : si la personne hésite entre deux situations qu’elle compare, discutez avec elle de chaque situation avant de passer à la suivante.
  • L’effet de persévérance est la tendance à nous accrocher à nos croyances initiales, même en présence d’informations contradictoires. Encouragez les personnes à rester ouvertes aux nouvelles informations et à adapter leurs croyances et leurs objectifs en conséquence.
  • Le biais de négativité est la tendance à accorder plus d’importance aux événements négatifs qu’aux événements positifs. Encouragez les personnes à faire la part des choses en les incitant à ne pas se focaliser sur les expériences qui n’ont pas abouties. Aidez-les à reconnaître et à célébrer leurs succès, et à adopter une attitude positive face aux défis.

🗣️ Les biais dont le CIP devrait se méfier

Le conseiller emploi est lui aussi soumis aux biais cognitifs et il peut même avoir des a priori sur les personnes qu’il accompagne et sur les situations qu’elles vivent. Parmi les biais dont le CIP devrait se méfier :

  • L’effet de désirabilité sociale est la tendance des individus à adapter leur comportement pour être perçus de manière positive par les autres. Créez un environnement d’accompagnement ouvert et bienveillant où la personne se sent libre d’exprimer ses vraies pensées et émotions sans chercher à vous faire plaisir.
  • Le biais de projection. Soyez conscient de vos propres biais et croyances, et assurez-vous qu’ils n’influencent pas votre approche de l’accompagnement.
  • L’effet Dunning-Kruger. Adaptez votre accompagnement en fonction de vos compétences réelles dans les domaines abordés en entretien. N’hésitez pas à dire que vous ne savez pas et que vous allez vous renseigner.
  • L’excès de confiance. Évaluez vos compétences de manière réaliste et identifiez vos marges de progression. Après chaque entretien ou accompagnement, faites le point sur ce qui n’a pas marché ou pas autant que vous le souhaitiez. Ne faites pas l’autruche.
  • L’effet de halo. Veillez à faire une bonne première impression au début des entretiens. Présentez-vous correctement et présentez le cadre sur un ton dynamique et détendu.
  • Le biais d’autocomplaisance. Quand l’accompagnement est réussi, ce n’est peut-être pas grâce à nous et quand il échoue ce n’est peut-être pas à cause de la personne.
  • L’effet de faux consensus. Nos valeurs et nos points de vue ne sont pas universels et rien « ne va de soi ». Prenez le temps d’approfondir ce que la situation vécue par la personne signifie pour elle ; ne vous contentez pas de ce que vous en pensez à priori.

👨‍🏫 On retiendra que :

🚨 Les biais cognitifs sont des erreurs de pensée, qui influencent notre jugement, mais ils peuvent être utilisés de manière positive pour accompagner les personnes vers l’emploi. Le biais d’attention, par exemple, peut aider les personnes à se concentrer sur les aspects importants de leurs recherches d’emploi. D’autres biais, tels que l’effet d’ancrage ou l’effet de cadrage, peuvent également être exploités pour améliorer l’accompagnement professionnel. Toutefois, les conseillers d’insertion professionnelle doivent être conscients de leurs propres biais cognitifs et veiller à ne pas les laisser influencer leur approche de l’accompagnement. Le biais d’attention peut devenir un allié pour la recherche d’emploi en ce qu’il nous rappelle simplement qu’on ne fait bien que ce dont on se souvient bien. Il est important de garder nos objectifs en mémoire, quitte à tenir un carnet de bord et coller des post-it sur la porte du frigo.

PS : J’ai conscience que ce dernier conseil ressemble à une forme de pensée positive ou à la méthode Coué, ce dont je me suis toujours méfié, jusqu’à mes récentes lectures sur les biais cognitifs (dans une certaine mesure).

PS 2 : Si le sujet vous intéresse, je vous suggère de lire les ouvrages de Daniel Kahneman « Système 1 – Système 2, les deux vitesses de la pensée » ainsi que « Noise, pourquoi nous faisons des erreurs de jugement et comment les éviter », qui a été écrit en collaboration avec Olivier Sibony et Cass R. Sunstein.

Published inBiais cognitifsLe coin du CIP

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